COMMUNICATION ANADAVI

ALERTE SUR LES DROITS DES VICTIMES D’ATTENTAT

Le gouvernement vient de déposer à la dernière minute un amendement à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la Justice (n°463 au Sénat, examinée en procédure d’urgence).

Le texte de cet amendement prévoit :

• La suppression du droit de faire évaluer les préjudices des victimes d’attentat par le juge pénal
• L’instauration d’une seule juridiction à Paris pour l’indemnisation des victimes d’attentat.

C’est la fin du droit à la proximité et du droit à faire juger les préjudices par la juridiction qui juge le crime terroriste.

Une autre voie était parfaitement possible pour spécialiser les juridictions : la création de pôles régionaux et l’amélioration des règles de procédure pour indemniser les préjudices au pénal.

Au lieu de cela le gouvernement supprime l’accès au juge civil régional et au juge pénal pour toutes les opérations d’indemnisation.

C’est une régression majeure des droits des victimes.

Une réaction urgente de tous les acteurs s’impose.

AMENDEMENT
présenté par

Le Gouvernement
________________________________________ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Chapitre VII du titre I du livre II du code de l’organisation judiciaire modifié :

1°/ Création d’une section 1 comprenant les articles L. 217-1 à L. 217-4 intitulée :

« Les parquets  spécialisés près le tribunal de grande instance de Paris ».

2°/ Insertion d’une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2 : L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.

Art. L. 217-5.- Le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître, en matière civile :

1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article L. 126-1 du code des assurances contre le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, après saisine de ce dernier et relatives :

– à la reconnaissance de leur droit à indemnisation ;
– au versement d’une provision ;
– à l’organisation d’une expertise judiciaire en contestation de l’examen médical pratiqué en application de l’article L. 422-2 du code des assurances ou en cas de refus du fonds de garantie de désigner un médecin à cette fin ;
– à l’’indemnisation offerte.

2° Des recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions mentionnées au 1°.

3° Des demandes formées contre toute personne, autre que le Fonds de garantie, en réparation du dommage résultant d’un acte de terrorisme».

 

II. – Insertion de deux articles après l’article 706-16 du code de procédure pénale, ainsi rédigés :

– Art. 706-16-1. :

« Lorsqu’elle est exercée devant les juridictions répressives, l’action civile portant sur une infraction qui constitue un acte de terrorisme ne peut avoir pour objet que de mettre en mouvement l’action publique ou de soutenir cette action. Elle ne peut pas tendre à la réparation du dommage causé par cette infraction.
L’action civile en réparation de ce dommage ne peut être exercée que devant une juridiction civile, séparément de l’action publique ; les dispositions de l’article 5 ne sont alors pas applicables.

Lorsque la juridiction répressive est saisie d’une demande tendant à la réparation du dommage causé par cette infraction, elle renvoie l’affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire qui l’examine d’urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d’Etat ».

– Art. 706-16-2. :

« La juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire peut  procède ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle peut notamment se faire communiquer, par le Procureur de la République ou le Juge d’instruction, copie des procès-verbaux constatant l’infraction ou toutes autres pièces de la procédure pénale, même en cours.

Elle peut également requérir :

De toute personne ou administration, la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou bien sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l’infraction ou du requérant ;

De tout service de l’Etat, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou compagnies d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande d’indemnité et leur divulgation est interdite».

 

III. Code des assurances modifié comme suit :

1° – Insertion après l’article L. 422-1 du code des assurances, de l’article L. 422-1-1 ainsi rédigé :

 – Art. L. 422-1-1 :

« Le fonds de garantie peut requérir de tout administration ou service de l’Etat et des collectivités publiques, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales, établissements financiers ou entreprises d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la réunion et la communication des renseignements dont il dispose ou peut disposer, relatifs à l’exécution de ses obligations éventuelles, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction du dossier d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds de garantie sont toutefois tenues au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »

2° – Modification de l’article L. 422-2 du code des assurances :

a) Insertion d’un alinéa avant le deuxième alinéa, ainsi rédigé :
« Pour procéder à l’examen médical de la victime mentionnée à l’article L.126-1, le fonds de garantie choisit un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur la liste des experts judiciaires dressée par une cour d’appel. »

b) Ajout d’un alinéa après le dernier alinéa, ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article s’appliquent lorsque la juridiction reconnaît le droit à indemnisation de la victime. Le délai mentionné au troisième alinéa court à compter du jour où la décision de la juridiction est exécutoire. »

IV. – Les dispositions du présent article, à l’exception des dispositions du 1° du III, entrent en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la loi.

A cette date, les procédures en cours devant les juridictions civiles sont transférées en l’état au tribunal de grande instance de Paris.

Les affaires peuvent être renvoyées par la juridiction initialement saisie avant la date d’entrée en vigueur de cet article pour une audience postérieure à cette date devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant le transfert des procédures.

La juridiction antérieurement compétente informe les parties qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris.

Ladite juridiction transfère les archives et les minutes de son secrétariat au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Les dispositions du du III entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la publication de la loi.

Objet :

Le présent amendement simplifie le parcours procédural des victimes d’acte de terrorisme.

Il renforce les garanties offertes durant la phase amiable.

Et il met fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal concernant l’indemnisation.

Enfin, ledit amendement donne compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris en matière d’indemnisation des victimes de terrorisme pour connaître de :

  • l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation,
  • l’organisation d’une expertise judiciaire et,
  • la réparation de leur préjudice, au fond comme en référé.

Cette juridiction sera ainsi seule compétente pour connaître, selon les règles applicables à la procédure civile des :

– contestations portant sur la reconnaissance du droit à indemnisation au titre d’un acte de terrorisme.

La personne qui ne se sera pas vu reconnaître ce droit par le FGTI pourra saisir le juge civil.

Celui-ci appréciera sa demande au vu des éléments produits ;

– demandes d’expertise médicale.

La victime qui se voit refuser la désignation d’un médecin par le FGTI ou qui conteste les conclusions du rapport de l’examen médical réalisé à l’initiative de ce fonds, pourra également demander au juge l’organisation d’une expertise judiciaire ;

– demandes de provisions, notamment pouvant être formées en référé en application du premier alinéa de l’article L. 422-2 du code des assurances ;

–  demandes tendant à la liquidation du préjudice à tout moment de la procédure pénale.

La juridiction civile pourra toujours connaître des demandes de réparation sans surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale.

Elle pourra être saisie de la liquidation du préjudice sur renvoi de la juridiction pénale, après décision sur l’action publique ;

– recours subrogatoires du Fonds de garantie, en application du sixième alinéa de l’article L. 422-1 du code des assurances.

Cette compétence exclusive simplifiera le parcours des victimes, accélérera leur indemnisation.

Elle favorisera l’unité de la jurisprudence et l’égalité de traitement des victimes d’acte de terrorisme.

Tel est l’objet du I du présent article.

Le II du présente article modifie le code de procédure pénale en prévoyant l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action en réparation du dommage causé par une infraction qui constitue un acte de terrorisme.

Toutefois, les victimes d’un acte de terrorisme conserveront la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique et se voir reconnaître la qualité de victime.

A cette fin, elles pourront accéder au dossier de la procédure et aussi formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité.

La juridiction pénale saisie de demandes indemnitaires renverra l’affaire à la juridiction civile.

Celle-ci qui statuera alors en urgence sur la réparation des dommages.

Cette juridiction civile accédera aux pièces de la procédure pénale, par des prérogatives actuellement dévolues aux commissions d’indemnisation des victimes (CIVI) par l’article 706-6 du code de procédure pénale, à savoir :

  • des pouvoirs d’investigations,
  • d’auditions,
  • de réquisitions auprès des administrations ou bien des organismes détenant des informations utiles à l’évaluation de l’indemnisation,
  • et de communication des pièces de la procédure pénale.

Le III apporte plusieurs modifications au code des assurances, savoir :

1°/ Doter le Fonds de garantie de prérogatives lui permettant de disposer des informations utiles à l’exercice de sa mission. Il pourra ainsi requérir auprès de toute administration, collectivité ou organisme d’assurance les informations nécessaires à l’indemnisation des victimes.

2°/ Compléter sur le plan règlementaire, l’article A1 du code de procédure pénale  pour ajouter le FGTI à la liste des organismes habilités à se faire communiquer des pièces des procédures pénales conformément à l’article 11-1 du code de procédure pénale.

3°/  Obligation pour le FGTI, lorsqu’il fait procéder à l’examen médical de la victime prévu par le code des assurances, de choisir le médecin dans la rubrique des experts spécialisés en dommage corporel inscrits sur la liste des experts judiciaires dressée par une cour d’appel.

Les médecins auxquels le FGTI a aujourd’hui recours ont la possibilité de solliciter leur inscription sur ladite liste.

Ainsi, les garanties d’impartialité du médecin intervenant dans la phase amiable se trouvent renforcées.

Sur le plan réglementaire, des dispositions viendront préciser les modalités de déroulement de cet examen médical.

4°/ Application des dispositions relatives au délai d’un mois dans lequel le FGTI doit verser une provision lorsque le juge reconnaît à la victime son droit à indemnisation du préjudice causé par un acte de terrorisme.

En ce cas, ce délai court à compter de la date à laquelle la décision du juge est exécutoire.

Par ailleurs, le Fonds doit choisir le médecin sur la liste précitée dans cette même hypothèse,

Le IV prévoit les dispositions d’entrée en vigueur de la loi et le transfert de l’ensemble des affaires civiles en cours devant le tribunal de grande instance de Paris.

Les dispositions obligent le Fonds de garantie à désigner un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur la liste des experts judiciaires dressée par une cour d’appel.

Elles s’appliquent à compter du premier jour du douzième mois suivant la publication de la loi pour permettre aux médecins spécialisés choisis par le fonds de procéder aux démarches nécessaires à leur inscription sur lesdites listes.